Femmes Maestros
« J’ai fait un rêve… »
Zofia Wislocka, Chef d’orchestre (Belgique)
Rencontrant depuis des années des difficultés pour s’imposer dans sa profession, la chef d’orchestre belgo-polonaise Zofia Wislocka souhaitait approfondir ce problème en rencontrant des consoeurs.
Elles existaient (quelques 500 de par le monde) mais on en parlait si peu.
Et si on en trouvait quelques unes dirigeant un orchestre de chambre ou une chorale, il ne semblait pas y en avoir à la tête d’un grand orchestre symphonique. Avaient-elles à lutter, elles-aussi, contre les mêmes préjugés tenaces ? Comment vivaient-elles leur carrière ?
Pourquoi ne pas se rencontrer, apprendre à se connaître et tenter une action commune ?
Ce rêve, elle le réalisa en 2000.
Objectifs
Construire une « Culture » qui reconnaisse et intègre les femmes constitue un enjeu démocratique de taille.
Réussir ensemble l’égalité des chances culturelles est un défi à notre mesure, grâce à un partenariat entre les acteurs privés et publics.
L’ « Organisation mondiale des Femmes Maestros » souhaite s’engager dans un processus constructif avec les instances publiques et les sponsors privés, afin de rencontrer les objectifs communs et relever les nombreux défis qui permettront aux femmes chefs d’orchestre de s’épanouir pleinement dans un environnement économique, social et culturel digne du 21ème siècle.
Dans cette optique, l’Organisation souhaite établir des contacts avec des associations culturelles qui poursuivent un but de promotion féminine analogue au sien.
La promotion de l’association est en soi un vaste programme administratif, mais également artistique et de communication.
Obstacles
« La place des femmes est dans la cuisine, et non dans l’orchestre. »
Herbert von Karajan, Chef d’orchestre (Allemagne)
Une opinion parmi tant d’autres. Mais qui résume bien les problèmes auxquels toutes les participantes des deux colloques ont déclaré être confrontées.
Le maestro est un symbole d’autorité. Et un symbole très visible. Beaucoup plus visible que dans d’autres professions.
Ce personnage qui se présente devant un public important, dans un grande salle, qui monte sur un piédestal et mène à la baguette quelques 130 musiciens … N’apparaît-il pas comme un dompteur ? Une silhouette féminine sur le podium étonne encore.
Pourtant, toutes nous le diront, c’est dans sa compétence musicale qu’un vrai chef puise son autorité.
Cette image de domination, a été analysée par le commerce du disque en premier lieu qui l’a soigneusement entretenue pour des raisons purement commerciales.
Et c’est là le deuxième grand obstacle que les femmes maestros ont à surmonter.
Cette image de virilité de la profession cache une réalité économique: la femme maestro a contre elle la logique du profit, la politique des petits amis, l’opposition de certains milieux où la dernière chose à considérer soit le talent, le cercle fermé des majors et de leurs «écuries».
En bref, elle se vend moins bien que ses confrères masculins.
Un pari sur l’avenir
« Un maestro n’est pas forcément un Monsieur. »
Norman Lebrecht, écrivain et commentateur culturel (Grande-Bretagne)
Les membres de l’aisbl « Femmes Maestros » ont toujours insisté sur le fait que leur démarche n’est en aucune manière dirigée contre les chefs masculins.
Et certains hommes, l’ont bien compris. A commencer par sir Simon Rattle qui a été un des premiers à manifester sa sympathie pour l’association. Et dans ses écrits, l’écrivain et musicologue Norman Lebrecht invite les amateurs de musique à lutter contre ces préjugés antédiluviens et exige qu’on accorde aux femmes chefs d’orchestre la confiance qu’elles méritent. Elles sont peut-être notre meilleur espoir, conclut-il.
Ce qui rejoint notre propos. Les mentalités évoluent. Même si les femmes sont encore peu nombreuses à accéder au podium, on ne s’étonne plus de les y voir.
Déjà au cours du Colloque de 2003, on avait constaté l’émergence d’une jeune génération qui ne se laisse plus décourager et entend prendre son destin en main. Elles n’attendent pas un engagement aléatoire mais s’unissent entre jeunes pour se créer des opportunités d’exercer leur profession. En recherchant ou en organisant des manifestations, en réunissant en orchestres des instrumentistes nouvellement diplômés.
L’association est là pour les y aider… jusqu’au moment où elle n’aura plus de raison d’être.
Car nous n’espérons qu’une chose. C’est qu’un jour cette association «Femmes Maestros» que nous avons créée avec ardeur et que nous maintenons en vie à bout de bras, cessera d’exister.
Parce qu’on n’aura plus besoin d’elle, parce que les mentalités auront changé, entraînant dans leur sillage les réalités économiques.
Parce que le jour sera enfin venu où, sur le podium, on ne verra plus un homme ou une femme, un pantalon ou un jupon pour parler comme Richard Strauss, mais tout simplement un musicien compétent.
En mars 2000, la regrettée Françoise Giroud nous écrivait :
« Je ne sais si une Association des femmes maestros les aidera à surmonter quelques unes des difficultés spécifiques qu’elles doivent encore affronter comme toutes les femmes qui visent haut, mais je leur souhaite à toutes courage et succès. »
Avons-nous triomphé de ses doutes ? Avons-nous répondu à son attente ? Où en sommes-nous ?
Si certains projets se sont réalisés, d’autres accomplissements se perçoivent moins. Mais nous pouvons affirmer que l’attitude vis à vis des femmes maestros a évolué.
Dans un sens positif.
En 1999 quand nous préparions notre première Table ronde, l’idée même qu’une femme puisse diriger un grand symphonique provoquait souvent une incrédulité amusée. Aujourd’hui une femme s’avançant sur le podium n’étonne plus … ou beaucoup moins…
L’an dernier, le Concours Musical International Reine Elisabeth a pour la première fois invité une femme à diriger les finales.
Y avons-nous contribué ? Soyons modestes. Nous l’avons fait, oui, dans la mesure de nos moyens…
Et nous adressons nos remerciements à nos mécènes qui nous ont soutenu et, nous osons l’espérer, nous soutiendrons encore… Car si modeste que notre action puisse paraître, nous pouvons affirmer qu’elle n’a pas été inutile.
Nous la poursuivrons afin d’atteindre, dans un avenir plus ou moins proche, le but poursuivi en l’an 2000.
Alors notre association n’aura plus de raison d’être puisque sur le podium on verra non plus un homme ou une femme mais tout simplement un musicien compétent.